Les femmes sont surreprésentées parmi les personnes en situation de pauvreté. Au Nouveau-Brunswick, en 2016, 67 % des femmes avaient un revenu inférieur à 20 000 $ par année. Plusieurs femmes vivent donc dans des conditions extrêmement précaires ou sont en situation de dépendance économique. La pauvreté n’est pas que matérielle : elle peut aussi être temporelle, c’est-à-dire que plusieurs femmes peuvent être privées de temps en raison de la quantité de tâches qu’elles doivent faire pour la survie de leur foyer. Dans ce contexte, comment les PDC peuvent-ils accompagner les femmes dans la reconnaissance de leur plein potentiel?
Savoie, Albert et Lanteigne se sont penchées sur la réalité de femmes francophones en situation de pauvreté vivant en milieu rural au Nouveau-Brunswick. Elles ont recueilli des récits de vie auprès de 17 femmes des comptés de Kent et de Gloucester, deux régions acadiennes côtières et rurales. Le but de l’étude était de mettre en lumière la stigmatisation dont ces femmes font l’objet et le travail invisible quotidien qu’elles assument pour survivre.
Selon les autrices, le discours dominant plutôt conservateur considère la pauvreté comme une absence d’agentivité sur ses conditions de vie (par exemple, que les personnes pauvres ne parviennent pas elles-mêmes à se sortir de leur condition.), ce qui a pour conséquence de jeter un regard stigmatisant sur les personnes en situation de pauvreté. Ce regard attribue la responsabilité de la pauvreté aux individus, sans tenir compte du contexte social et culturel, ni des efforts déployés pour s’en sortir.
Les autrices ont confronté ce discours dominant aux récits de vie rapportés par les participantes à l’aide du concept de « quart de travail ». Ce concept, développé dans la littérature féministe, fait référence au double travail accompli par les femmes, soit le travail rémunéré effectué dans l’espace public et le travail domestique réalisé dans l’espace privé. Le travail domestique est généralement invisibilisé, c’est-à-dire qu’il n’est pas reconnu socialement comme constituant du travail au même titre que le travail rémunéré. L’analyse a permis de démontrer que les femmes en situation de pauvreté effectuent deux, voire trois « quarts de travail » par jour. En plus de leur travail rémunéré, toutes les femmes interrogées effectuaient du travail domestique et du travail de subsistance. Le travail de subsistance inclut, par exemple, de passer une partie de son temps à trouver des ressources, à faire des économies ou à fournir des preuves pour justifier leurs demandes d’aide. On observe ainsi que le travail invisible effectué par les participantes contraste nettement avec un certain pain du discours dominant conservateur qui les dépeint comme étant passives, oisives, imprévoyantes et paresseuses.
Afin de diminuer la stigmatisation des femmes en situation de pauvreté, les PDC peuvent contribuer à remettre en question les idéologies dominantes qui leur portent atteinte. Les autrices proposent à cet effet trois contre-discours visant à lutter contre la pauvreté :
- La déconstruction des préjugés sur la cause de la pauvreté, notamment en reconnaissant comment des facteurs sociétaux (comme la hauteur du salaire minimum et la division sexuée du travail) tendent à désavantager les femmes pauvres;
- La prise en compte de la voix des femmes et de leur expérience, dans une perspective d’écoute active, d’empathie et de reconnaissance;
- La reconnaissance de la capacité d’agir et de la résistance dont font preuves les femmes en situation de pauvreté.
De façon plus concrète, les PDC peuvent mettre en lumière tous les « quarts de travail » que leurs clientes effectuent. Cela peut permettre à ces dernières de se libérer du regard qui les stigmatise et de prendre conscience de leurs forces : ce faisant, les PDC pourront les accompagner vers le rétablissement d’un équilibre dans leur vie personnelle et professionnelle.
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