Parmi les personnes qui ont recours à des services de développement de carrière, la clientèle judiciarisée fait face à des obstacles qui sont propres à sa situation particulière. Le casier judiciaire et l’absence de qualifications reconnues freinent plusieurs individus qui souhaitent décrocher un emploi épanouissant. Pourtant, plusieurs de ces personnes ont développé des compétences dans le cadre de leurs activités criminelles qui pourraient leur être utiles dans un emploi légal.
Pariseau et Supeno s’intéressent à l’enjeu de reconnaissance des apprentissages réalisés dans l’exercice d’activités criminelles qui, formellement, ne peuvent pas être écrites sur un CV ou reconnues par une attestation. L’équipe de recherche reconnaît que les personnes ayant des antécédents judiciaires sont souvent stigmatisées par les employeurs, ce qui nuit à leur insertion socioprofessionnelle. Dans l’idée de favoriser la reconnaissance de la valeur de ces personnes, Pariseau et Supeno établissent en quoi dans certaines compétences acquises lors des activités criminelles peuvent être exploitées dans la recherche d’un emploi légal.
Cinq hommes, âgés entre 21 et 40 ans et avec des antécédents judiciaires, ont participé à l’étude. Trois de ces hommes ont un travail : un participant est travailleur autonome, un autre travaille dans le secteur de la réfrigération et le troisième fait des inventaires pour des entreprises. Deux étaient toujours en recherche d’emploi au moment des entretiens. Tous ont été engagés dans des activités liées à la vente de drogues. L’équipe de recherche a conduit des entretiens semi-dirigés avec les participants pour les interroger sur leurs anciennes activités criminelles, sur leurs activités de recherche d’emploi et sur le transfert de leurs apprentissages d’un milieu à l’autre.
Apprentissages liés aux activités criminelles
Les apprentissages réalisés par les participants lors d’activités criminelles sont variés. Ils indiquent avoir développé des compétences interpersonnelles pour maintenir un réseau de contacts et pour créer des liens avec leurs collègues, fournisseurs et/ou employé·es. D’autres ont développé des techniques d’imitation pour apprendre par eux-mêmes les comportements attendus dans certaines situations délicates. Tous les participants ont également indiqué l’importance de s’assurer de la qualité du produit vendu, dans le but d’éviter l’insatisfaction de leur clientèle.
Tous les participants affirment également que le fait d’avoir un casier judiciaire nuit à leur chance de décrocher un emploi. C’est surtout lors de l’entrevue d’embauche que les participants indiquent devoir mobiliser des compétences apprises de leur passé criminel pour décrocher un emploi et surmonter le stigma autour de leur statut de personne judiciarisée. Par exemple, les participants revendiquent d’être de bons vendeurs, d’avoir une bonne connaissance de la ville, de savoir gérer de l’argent et d’être capable de travailler sous pression. D’autres utilisent leur capacité d’analyse pour faire des recherches sur le milieu de travail où ils souhaitent être embauchés afin de nommer les qualités qui semblent être primées par l’entreprise lors de l’entrevue.
Pistes potentielles d’intervention
Reconnaître les compétences acquises au cours d’activités illégales pourrait avoir un impact positif sur les initiatives de réinsertion sociale des personnes ayant des antécédents judiciaires, et cela peut être fait sans pour autant normaliser les comportements criminels. En ayant un accès privilégié à la clientèle judiciarisée, les PDC peuvent participer activement à cette reconnaissance. Par exemple, ouvrir la discussion sur la possibilité de solliciter les apprentissages issus des activités criminelles comme ressources potentielles pour atteindre un objectif d’emploi peut s’avérer une façon de surmonter le stigma du casier judicaire.
Ces réflexions pourraient avoir un impact sur l’insertion sociale et professionnelle des personnes judiciarisées, contribuant à la réduction des risques de récidive. Enfin, en reconnaissant ces apprentissages (sans les cautionner), les personnes intervenantes pourraient renforcer le sentiment d’efficacité personnelle des individus et favoriser un regard moins empreint de jugement sur leurs expériences et apprentissages.
Responses