Les communautés francophones canadiennes comme l’Acadie composent avec une main-d’œuvre locale vieillissante. Sachant que la formation et la rétention des étudiant·es de l’international représentent une solution à leurs enjeux économiques et démographiques, il est important de comprendre les difficultés qui peuvent survenir dans leur intégration au sein de ces communautés identitaires distinctes.
En Acadie, les barrières à l’intégration des personnes immigrantes au marché du travail sont propres à sa réalité historique et géographique. D’abord, le fait d’être une communauté minoritaire pose un défi de rétention des personnes immigrantes : plusieurs sont d’emblée plus attirées vers les ressources et les opportunités qu’offre la majorité canadienne anglophone et urbaine. De plus, la volonté de protection de l’identité acadienne se traduit parfois en un discours hostile à la diversité, ce qui nuit à l’intégration en l’emploi des personnes racisées.
L’étude de Sall montre qu’il existe deux niches d’emploi pour les étudiants internationaux francophones en Acadie : une niche d’emplois structurelle (foyers de soins, centres d’appels, hôtellerie) et une niche d’emplois conjoncturelle (banques et assurances). La niche d’emplois structurelle fait référence aux emplois non qualifiés et généralement plus précaires, alors que la niche d’emplois conjoncturelle se rapporte aux emplois qualifiés qui offrent généralement des conditions stables.
L’embauche des étudiante·s internationaux dans la niche d’emplois structurelle est favorisée par leur maîtrise du français, leur rigueur de travail, leur aisance interpersonnelle et leur disponibilité. Ce type d’emploi permet aussi aux étudiant·es d’acquérir des compétences en anglais pour accroître leur mobilité professionnelle vers la niche d’emploi conjoncturelle. Cette dernière souffre moins du manque de main-d’œuvre locale que la niche structurelle, mais les étudiant·es étrangers y trouvent rapidement leur place grâce aux politiques de diversité des employeurs et aux partenariats entre l’Université de Moncton et les industries des secteurs bancaire et des assurances.
Malgré les réussites d’intégration dans les niches d’emploi structurelles et conjoncturelles, l’obtention d’un emploi de qualité en Acadie pour les étudiant·es de l’international reste parfois difficile en raison de l’exigence de bilinguisme dans les secteurs d’emploi anglophones – ce qui n’est pas toujours acquis pour la population étudiante issue de la francophonie internationale – et de la discrimination systémique dans certains secteurs d’emploi francophones.
Selon cette étude, la discrimination à l’encontre des personnes immigrantes est notable dans les secteurs de l’éducation et de la santé – deux secteurs où les Acadien·nes se sont battus pour avoir le plein contrôle. Les employeurs acadiens peuvent alors avoir de la difficulté à ouvrir ces secteurs d’emploi à la francophonie venue d’ailleurs, ce qui peut se traduire par de la discrimination à l’embauche, par un climat de travail toxique ou encore par un partage inéquitable des tâches. Les entretiens conduits dans le cadre de cette recherche ont mis en lumière que cette discrimination a des impacts directs sur le décrochage scolaire, la dépression et la santé mentale des étudiant·es internationaux. De plus en plus d’étudiant·es internationaux ont recours aux services des PDC afin de décrocher des emplois qui correspondent à leurs intérêts et leurs compétences. Pour bien les guider dans leur choix de carrière et les aider à surmonter les barrières systémiques à l’emploi, il est important de connaître le contexte socioculturel du marché du travail dans lequel ils et elles vont s’épanouir. L’Acadie est un exemple de communauté où les opportunités sont grandes, mais où les mécanismes d’inclusion ne sont pas toujours en phase avec l’attitude accueillante de la population.
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