Personne n’ignore que les jeunes adultes autochtones du Canada connaissent des taux de chômage plus élevés que les jeunes adultes non autochtones. Mathew, Nishikawara, Ferguson et Borgen notent que malgré cette préoccupation, beaucoup de jeunes adultes autochtones ont un emploi et obtiennent des résultats satisfaisants en formation et au travail. Ils soulignent également que peu d’études s’intéressent aux réussites des peuples autochtones, la plupart des recherches se concentrant plutôt sur les problèmes. Mathew et collab. ont donc voulu découvrir les facteurs particuliers qui favorisent ou entravent leur réussite.
Cette étude qualitative a consisté à interroger 18 jeunes adultes autochtones (de 26 à 34 ans; 13 femmes et 5 hommes) dont la prise de décision a été jugée fructueuse concernant leur carrière. Les auteurs ont utilisé la technique améliorée des incidents critiques pour rechercher les événements déterminants qui ont favorisé ou entravé leur progrès.
Les 282 rapports d’incidents critiques comprenaient 135 facteurs favorables, 87 facteurs défavorables et 60 facteurs souhaitables (c’est-à-dire, des facteurs que les personnes interrogées considéraient comme utiles). Ces facteurs ont été classés en 13 catégories et présentés dans le tableau ci-dessous, avec des exemples de facteurs jugés utiles ou nuisibles pour chaque catégorie. Ils sont classés dans l’ordre suivant : (a) plus favorables que nuisibles (b) plus nuisibles que favorables (c) aussi nuisibles que favorables et (d) souhaitables, plutôt que nuisibles ou favorables.
| Catégorie | Exemple de facteur favorable | Exemple de facteur nuisible |
| Facteur plus favorable que nuisible | ||
| Relations et engagements familiaux | Soutien émotionnel de la part de la famille | Membres de la famille qui dépendent du ou de la jeune adulte |
| Fixation d’objectifs/prise d’initiatives (en matière de carrière)/se concentrer sur ses centres d’intérêt | Activités d’exploration de carrière | s.o. |
| Soutien de la part de la communauté ou de mentors | S’entourer de personnes ayant connu une réussite exceptionnelle | s.o. |
| Fait de vivre sainement (sur les plans physique, mental, social et spirituel) | Prendre soin de soi | Négativité |
| Trouver un sens/motivation et engagement | Responsabilité d’avoir un enfant | s.o. |
| Réseautage et contacts | Entretenir des relations saines et solides avec ses gestionnaires | s.o. |
| Expérience (personnelle et professionnelle) | Posséder diverses expériences personnelles, scolaires, professionnelles, communautaires et culturelles | s.o. |
| Facteurs plus nuisibles que favorables, ou facteurs souhaitables | ||
| Systémiques/externes (institution, marché du travail, sexisme, racisme, aspects interpersonnels) | s.o. | Les responsabilités en tant qu’Autochtone ne sont pas toujours compatibles avec les responsabilités en tant qu’employé·e |
| Situation financière | s.o. | Avoir un budget serré et de faibles revenus ne permettent pas d’organiser beaucoup d’activités pour les enfants |
| Connaissances/information/certitude | s.o. | Le fait de ne pas savoir quels emplois vont être en demande |
| Courage et estime de soi (par opposition à la peur, au fait de douter de soi-même et d’autrui) | s.o. | Une faible estime de soi pendant l’enfance mène à des difficultés de prise de décisions |
| Facteurs aussi favorables que nuisibles | ||
| Origine autochtone et facteurs culturels | Avoir une connaissance de sa propre culture permet de voir plus facilement si la culture du lieu de travail n’est pas adaptée | s.o. |
| Facteurs souhaitables | ||
| Possibilités d’éducation, de formation et d’enseignement spécialisé | s.o. | Ne pas avoir de diplôme d’enseignement supérieur (il serait rassurant d’en avoir un) |
Cette étude s’appuie sur un ensemble de travaux de recherche qui tirent les conclusions suivantes :
- • Les obstacles systémiques peuvent nuire aux possibilités, même lorsque les systèmes peuvent offrir de l’aide (ex. : éducation);
- • Les relations interpersonnelles (ex. : avec la famille, les mentors) peuvent jouer un rôle très important pour les jeunes autochtones;
- • La nécessité pour les jeunes adultes autochtones de s’adapter aux perspectives eurocanadiennes peut être synonyme de résilience pour certains, mais mener à de la peur et du doute pour d’autres.
Il faut rappeler aux professionnel·les que ceux-ci doivent encourager les changements systémiques, s’intéresser aux aspects relationnels de la vie des personnes et reconnaître la force dont les jeunes adultes autochtones ont besoin pour s’épanouir dans deux mondes.
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