Les personnes qui étudient dans les établissements postsecondaires et qui ne sont pas certaines de la direction que prendra leur carrière regardent souvent avec beaucoup d’envie les étudiant·es qui ont choisi leur carrière, c’est-à-dire qui ont choisi un objectif de carrière, un programme d’études et une spécialisation. Ces étudiant·es sont perçus comme étant capables de mettre toute leur énergie dans la poursuite de leur projet de carrière plutôt que dans l’indécision, l’exploration ou l’anxiété. La réalité, cependant, est que de nombreuses personnes étudiantes ayant fait un choix de carrière ne sont pas à l’aise avec leur décision. Elles ne sont peut-être pas aussi « décidées » qu’elles en ont l’air. L’étude d’Arbona et de ses collègues examine d’une part les différences entre les difficultés de prise de décision en matière de carrière vécues par les étudiant·es qui ont déjà fait un choix (selon qu’ils ou elles soient à l’aise ou non avec ce choix), et d’autre part celles vécues par les étudiant·es décidés et indécis.
En utilisant le Questionnaire sur les difficultés de prise de décision en matière de carrière (CDDQ) auprès de 583 étudiant·es de premier cycle universitaire représentant un grand éventail de groupes ethniques, de classes sociales, d’années d’études postsecondaires complétées et d’autres caractéristiques, l’équipe de recherche a évalué les difficultés de prise de décision en matière de carrière chez les personnes étudiantes confortables et inconfortables dans leur choix de carrière, ainsi que chez les personnes étudiantes indécises dans leur choix de carrière. Le degré de confort a été mesuré à l’aide de questions claires à choix multiples portant sur le statut de la personne par rapport à son choix de carrière et sur sa satisfaction à l’égard de ce choix.
Arbona et ses collègues ont obtenu le résultat anticipé : les niveaux de difficulté des étudiant·es satisfaits de leur choix de carrière étaient inférieurs à ceux des étudiant·es indécis et insatisfaits de leur choix de carrière dans 9 des 10 sous-échelles de difficulté de carrière du CDDQ.
Il est plus surprenant de découvrir que les étudiant·es inconfortables dans leur choix de carrière et les étudiant·es indécis ne se distinguent que sur une seule sous-échelle d’évaluation : le manque de motivation. En d’autres termes, le fait de s’identifier comme « décidé·e » sur son choix de carrière plutôt que comme « indécis·e » ne semble pas atténuer les difficultés liées à la prise de décision sur le choix de carrière.
L’étude a également révélé que le sentiment général d’indécision était la principale difficulté pour plus de 50 % du total des étudiant·es et pour plus de 80 % des personnes indécises et inconfortables de leur décision. L’interprétation de ce résultat met en évidence la possibilité que l’indécision puisse :
- simplement refléter les réalités d’un monde du travail en évolution rapide, à un stade où beaucoup de changements se produisent (signifiant que le fait d’être décisif n’est peut-être pas la meilleure option!); et,
- être due à des facteurs tels que l’anxiété, le pessimisme et les remises en question identitaires connus pour être associés à l’indécision.
Bien que cette étude ait eu pour but de faire avancer la recherche sur ce sujet, les personnes intervenantes peuvent en tirer quelques enseignements importants :
- Les personnes étudiantes (et possiblement toute personne) qui déclarent avoir choisi une voie professionnelle peuvent ne pas se sentir à l’aise avec leur décision. Il se peut même que leur décision soit provisoire.
- Compte tenu de ce qui précède, nous ne pouvons pas supposer que les personnes ayant pris une décision en matière de carrière n’ont pas besoin d’avoir accès à des services de soutien en développement de carrière.
- Le fait d’être indécis·e ou inconfortable avec sa décision n’est pas nécessairement un problème. En fait, ces sentiments (inconfort et/ou indécision) peuvent refléter le fait qu’une personne reconnaît que le monde et elle-même sont en train de changer.
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